Tournée des fournisseurs bretons – Part. 1

Mercredi, 10h00, c’est parti pour cette tournée des fournisseurs bretons. Et je commence… direction la Normandie !

Midi, la faim commence à faire signe. Je tente une recherche « épicerie vrac » sur Maps qui m’indique que « Les gloutons du Vrac » ferment bientôt mais sont pile sur mon chemin, à Verneuil d’Avre (27). Arrivée dans 20 min. Parfait ! Enfin, ça serait parfait si l’épicerie n’avait pas fermée définitivement. C’est donc le cœur un peu serré face à la réalité qui frappe encore la filière que je repars.

Les savons d’Orely

A 15h00, j’arrive à Saint Pierre en Auge (14) où se trouve l’atelier des savons d’Orely. Je travaille avec eux depuis le Salon du Vrac de mai 2023, et étrangement, ce ne sont pas leurs savons qui m’ont d’abord séduit mais leur baume à lèvres en tube cartonné. C’est un produit que je cherchais depuis longtemps et qui est très efficace, en hiver comme en été !

Je suis accueillie par Jérôme qui a rejoint sa femme dans l’aventure il y a 5 ans et Maëlle, en stage de première année de licence en chimie. Nous commençons par un longue et passionnante discussion : présentations et échanges sur le secteur.

L’aventure a commencé en 2004 avec Aurélie à la Réunion et s’est poursuivi en Normandie 5 ans plus tard. En 2023, ils déménagent dans leur nouvel atelier, plus grand. Imaginé en 2019 avec une ambition environnementale forte, le projet est légèrement revu face aux contraintes post-Covid et notamment aux hausses des matières premières. Le bâtiment reste superbement conçu, et allie à merveille accueil du public et atelier de fabrication.

C’est là que la magie de la saponification à froid opère…

Il faut savoir que le savon est le seul cosmétique fabriqué à partir d’une réaction chimique, en mélangeant un corps gras et un agent caustique. Les autres cosmétiques sont issus d’un assemblage d’ingrédients.

Le corps gras, c’est l’huile. Ici, on en utilise principalement trois :

  • L’huile de colza, locale, permet d’avoir la base.
  • L’huile d’olive apporte la dureté du savon.
  • L’huile de coco donne le côté moussant.

Évidemment, ce choix peut être différent. L’huile de palme, peu onéreuse, est régulièrement utilisée. Et sous le nom latin Sodium Tallowate se cache de la graisse de bœuf. Vaste programme…

L’agent caustique, c’est la soude. Il transforme l’huile en agent ionique qui va permettre de détacher. Mais attention, on tient à ne pas transformer toute l’huile et ainsi obtenir un surgras qui permet une hydratation optimale. Certaines huiles, comme le beurre de karité, contiennent des acides gras qui ne peuvent pas être saponifiées et apportent naturellement un surgras.

Savonnière pionnière il y a 20 ans, Aurélie a participé à l’élaboration du cahier des charges de la saponification à froid. Cette technique, où la température est comprise entre 30 et 40°C, s’oppose à la saponification à haute température qui va beaucoup plus vite (quelques minutes contre quelques heures) mais qui détériore les propriétés hydratantes du savon. En effet, la glycérine naturellement formée et qui hydrate la peau, est retirée pour être revendue… comme ingrédient pour les crèmes hydratantes par exemple. Et oui, pourquoi vous vendre 1 produit quand on peut vous en vendre 2 ?

Petit aparté avec le savon de Marseille : au départ, c’est un savon destiné au ménage, pour laver le linge ou les sols. Quand les temps ont été plus durs, notamment pendant les guerres, son faible prix a incité les gens à l’utiliser pour la peau. L’image d’un produit économique et de qualité s’est peu à peu instauré, alors que son procédé de fabrication à chaud n’apporte pas d’hydratation.

Une fois la réaction chimique réalisée, la préparation est versée dans des moules en bois d’une contenance de 4Kg. Il faudra ensuite attendre 4 à 6 semaines pour finaliser la saponification et laisser sécher les barres de savon.

Il faut savoir qu’en cosmétique, toutes les formulations doivent être validées par un laboratoire indépendant. Le moindre changement fait l’objet d’un nouveau dossier et de centaines d’euros déboursés. De plus, le pourcentage d’huiles essentielles, qui a des taux trop élevés peuvent être dangereux pour la santé, est réglementé. Les savons d’Orely vont plus loin, avec la certification Bio Cosmos Organic et Slow Cosmetique.

Cette visite fût réellement très intéressante et je remercie infiniment Jérôme qui m’a consacré un après midi entier. Cela m’a permis de redécouvrir la saponification à froid et d’en apprendre beaucoup sur les à-côtés :

  • La recherche d‘ingrédients locaux comme l’huile, le chanvre et les laits de vache, brebis et chèvre.
  • Les difficultés d’approvisionnement, notamment sur l’huile d’olive. En effet, l’Espagne, premier producteur mondial, a subit deux année de sécheresses consécutives qui ont entraîné des fortes hausses sur tout le marché, à minima plus de 30%.
  • Le marché saturé, passant d’une dizaine de savonneries il y a 20 ans à plus de 3500 aujourd’hui. Et la fermeture des épiceries qui ont fragilisés le secteur et la structure.

Un bocal à la mer

Jeudi. Je profite d’un peu de temps devant moi pour m’arrêter à Plérin (29) à l’épicerie vrac Un bocal à la mer. Située dans une petite zone commerciale, l’épicerie a une double vitrine (au dos sur la route et face au parking) qui attire l’oeil et donne envie d’entrer. Je suis impressionnée par la taille de son rayon Endro. Cela me rassure aussi, puisque c’est justement ce potentiel futur fournisseur que je vais voir après.

Et après, c’est maintenant !

Endro cosmétique

11h15, j’arrive avec un peu de retard dans la zone industrielle de Lanion (22). A la vue des bâtiments, je sens tout de suite que l’on change d’échelle.

Marion et Boris ont démarré leur aventure il y a 5 ans, en confectionnant leurs premiers déos dans leur cuisine. Ils nomment leur marque Endro, qui signifie Nature – Environnement en breton, et qui forme une de leurs lignes directrices. Suite à une campagne Ulule en 2020, ils confectionnent 700 colis à la main, dont seulement 10 arriveront en bon état. De quoi se décourager ? Et non, de quoi s’améliorer ! C’est le maître mot chez Endro : être dynamique et à l’écoute des clients. L’aventure se poursuit à toute vitesse. En 2022, ils emménagent dans ce laboratoire où ils sont à présent plus de 75 salariés.

En passant le sas d’accueil, j’arrive dans un open space calme où chacun est à sa tâche. Boris, que je croise aux événements Réseau Vrac depuis 4 ans, étant en congés, je suis accueillie par la souriante Anaëlle. Il se dégage d’elle un amour pour la marque qu’elle connaît sur le bout des doigts. Elle commence par me présenter l’équipe, en prenant soin de ne pas trop les déranger : commercial France et Export, achats, comptable, marketing, qualité, recherche et développement… il y a du monde ! Dans la salle de pause, leurs portraits sont exposés comme un tableau géant, rappelant l’esprit familial de l’entreprise.

Nous poursuivons vers la zone de fabrication. Même si l’on est encore loin des sites industriels de la grande distribution, les cuves et lignes de conditionnements sont impressionnantes pour une entreprise spécialisée dans le Bio et le Zéro Déchet. Certains postes sont encore très manuels, d’autant plus qu’il faut gérer la consigne et le risque verre !

Nous passons ensuite vers la zone de stockage et d’expédition. Je suis surprise par la personnalisation qui est donné à cette étape : que ce soit pour les particuliers via la vente en ligne ou pour les revendeurs, la commande peut se faire à l’unité. Généralement, on nous impose un « colisage », par carton de 6 par exemple, pour limiter la manutention.

Pour finir, nous passons dans un box de réunion où Anaëlle prend le temps de m’expliquer toute la gamme. Nous faisons un focus particulier sur les soins du visage : des formulations simples et efficaces, toujours dans des flacons consignés. Ils ont le soucis de sourcer les ingrédients, d’abord en local, puis en France, puis en Europe, tout en respectant le cahier des charges de la certification Cosmos Bio. Et tout ça, pour un prix tout à fait abordable, surtout comparé à certaines marques en pharmacie.

L’enthousiasme d’Anaëlle est contagieux et tous les échos que j’ai eu de la marque sont positifs. Alors du coup, c’est validé ! Fin août, les produits Endro viendront remplir l’étagère laissée vide par le maquillage.

Au programme :

  • Contour des yeux : cernes, poches et ridules.
  • Sérum anti-âge global : repulpant.
  • Sérum anti-âge global : liftant.
  • Crème anti-âge.
  • Gel crème visage matifiant.
  • Sérum hydratant.
  • Crème légère hydratante.
  • Sérum Bonne Mine.
  • Crème visage Bonne Mine.

Joli programme non ?

Sunshine

15h00, j’arrive devant l’atelier de fabrication étonnement située sur le bord d’une artère principale de la petite ville de Plourin les Morlaix (29).Il se dégage de chez Shunshine, en plus d’une douce odeur de chocolat, une envie de faire plaisir et de se faire plaisir !

Créé en 2022 par trois ingénieurs bricoleurs qui, faute de moyens, décident de fabriquer eux même la petite chaîne de fabrication : du concasseur de la masse de cacao à l’arrivée des tablettes pour la mise en carton, en passant par le mélange des ingrédients et le coulage dans les moules. Sous mes yeux, ils travaillent sur la mise en étui des tablettes individuelles, c’est complètement fou !

L’atelier est vraiment petit. Mis à part les bureaux à l’étage, tout est visible d’un seul coup d’œil, c’est très surprenant. Il en va de même pour l’équipe composée de seulement 9 personnes : 6 à la fabrication et 3 au commerce, même s’il arrive fréquemment que tout le monde mette la main à la pâte ! La solidarité, c’est dans leur ADN.

En mai 2023, ils fabriquent leur première tablette de chocolat. Autant dire que ce sont des bébés dans la métier. Mais les valeurs qu’ils portent leurs promettent un bel avenir.

Ils ont d’abord sourcé leur chocolat en République Dominicaine, en Bio et Equitable, ce qui ce traduit par des revenus 6% supérieurs par rapport aux producteurs de cacao « conventionnels », en plus des vertus environnementales.

L’équipe d’ingénieurs-bricoleurs a ensuite eu l’objectif de fabriquer un four solaire, permettant ainsi une torréfaction neutre en énergie. De plus, les producteurs pourront vendre leurs fèves deux fois plus chères qu’aujourd’hui, ramenant la valeur ajoutée chez eux. Pour aider au financement, ils participent à l’Appel à Projet « Adaptation aux changements climatiques » de la région Bretagne. Là, ils créent un partenariat avec Max Avelar, ce qui les amènera à tester leur four solaire au Pérou finalement. L’objectif est de former les gens sur place à son utilisation, pendant 18 mois environ, puis de développer l’expérience ailleurs.

Si demain les fèves torréfiées seront directement achetées au producteur et transformées par Sunshine, aujourd’hui ils achètent la masse de cacao qui leur sert de matière première. Celle-ci arrive sous la forme d’un immense bloc qu’il faut concasser. Elle est ensuite chauffée et travaillée avec le sucre, le lait, et les fruits confits ou râpées. Le savoureux mélange est alors coulé dans les moules, puis refroidi et mis en étui carton. Chez Couleur Vrac, nous les recevons sans emballage individuel, par 25.

Tout ce chocolat est stocké sur des racks juste à côté, en attendant l’expédition.

Prise par son travail et en pleine réflexion sur l’ingénierie de la ligne, Hanna avait oublié ma venue. Qu’à cela ne tienne, cela ne l’a pas empêché de me consacrer du temps et de m’expliquer les dessous de Sunshine. Je la remercie pour son accueil et me décide à poser cette question qui me taraude depuis mon entrée dans l’atelier : cette tablette de chocolat au lait et riz soufflé, on ne l’a pas en vrac… ? Elle me répond tout sourire qu’elle devrait bientôt faire partie de la gamme vrac et m’en offre un échantillon. Je ne mets pas 5 minutes à goûter et valider !

Petite anecdote : il m’a fallu 30 secondes à pieds en sortant de l’atelier pour faire face à la porte de mon appartement étudiant. Et oui, c’est à Morlaix que j’ai passé ma licence technico-commercial en emballage qui m’a permis ensuite d’intégrer l’équipe de U ! Autant vous dire que j’en ai profité pour faire un petit pèlerinage, mais à part le viaduc, je n’ai pas reconnu grand chose ! Alors que nous étions hébergés par la CCI, les élèves de l’IUT semble à présent étudier dans des locaux de l’ancienne manufacture de tabac. Celle-ci, qui venait de fermer ses portes quand je suis arrivée est devenu un centre dédié aux sciences, avec une salle de cinéma et de spectacle. C’est vraiment chouette de voir comment des lieux historiques peuvent être réinvesti tout en gardant hommage à son histoire.

Convention des entreprises pour le climat

Vendredi. Je fais une pause avec les fournisseurs, mais pas avoir le travail !

Après un peu de repos et une petite balade sur la plage, je me pose dans les rochers pour assister à un webinaire d’information de la Convention des Entreprises pour le Climat, ou CEC. Qui a dit qu’il fallait être enfermé dans un bureau pour travailler ?

Le CEC est une association dont l’objectif est de « rendre irrésistible la bascule de l’économie extractive vers l’économie régénérative d’ici 2030 ». Elle propose à toutes les entreprises, de tous les secteurs, des parcours de formation collectifs sur 10 mois, temps nécessaire à assimiler les informations et mettre en place des actions concrètes pour repenser leurs modèles dans le cadre des limites planétaires.

Découvert il y a deux ans, je m’étais dit à l’époque que je faisais déjà ma part et que je n’avais pas forcément de temps à consacrer à ce projet.

Aujourd’hui, je m’interroge :

  • Je vise à limiter l’empreinte de la boutique, mais suis-je pour autant une entreprise régénérative ? Finalement, on peut toujours faire mieux !
  • Intégrer un parcours avec quatre-vingt autres entreprises du secteur qui visent à s’améliorer, et échanger avec tous les acteurs de la chaîne, doit être riche d’expérience et de rencontres.
  • Être formé par des acteurs du GIEC est une opportunité unique.

Et d’un autre côté, mon enthousiasme en prend un coup face aux contraintes, notamment financières avec un investissement non négligeable de plus de 2000€. Il faudrait également idéalement que je trouve un binôme…

Il faudra que je prenne le temps de réfléchir à ce super projet et aux aides financières !

Stal Vrac

En attendant, je continue mon chemin et fais une pause à Lesneven (29), chez Stal Vrac. Stéphanie a repris la boutique en 2020 et a tenu la barre contre vents et marrées. Sa boutique est immense et nous échangeons de longues minutes sur les fournisseurs, les assortiments produits, le site e-commerce… Et oui, on a beau retrouver la personnalité de chaque indépendant dans sa boutique, le cœur du métier est le même !

La boucle en Vrac

Dimanche. Jour de marché à La Forêt Fouesnant (29). Après un petit tour entre les allées, je remonte la route principale jusqu’à La Boucle en Vrac.

Parfois, je vais dans les épiceries en secret. Cela me permet de découvrir une nouvelle ambiance et de nouveaux produits sans discuter pendant une heure, temps que je n’ai pas toujours devant moi. Aujourd’hui, j’avais prévue de passer inaperçue… C’était sans compter sur mon amie qui me rejoins alors que je suis à la caisse et qui me grille : « oui, je suis déjà venue quelques fois, d’ailleurs j’avais dû vous parler de ma copine… »

Bon ben voilà, c’est partit ! On papote, sur l’organisation de sa boutique qui est assez petite et qui dispose d’une réserve de quelques mètres carrés seulement, et sur les clients aussi. Et oui, je lève le voile, ça nous arrive de parler de vous ! Vous êtes une source intarissable d’anecdotes joyeuses. Et parfois, d’anecdotes décontenançantes, comme celle que nous raconte Anthony : deux hommes entrent, font le tour, et viennent le questionner : « ça sert à quoi ce que vous faites ?». L’échange est lunaire, la personne lui expliquant que ça se sert à rien et que lui, il apprend à ses enfants qu’il faut consommer au maximum tant qu’il y a des ressources. De toute évidence, les points de vus sont à l’opposé, mais c’est plus l’agressivité qui l’a choqué que les propos. A l’opposé du respect qui émane dans notre milieu.

Nous nous quittons en riant de cette aventure.

La suite dans la partie 2 !

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Les commentaires

Une réponse

  1. Salut,

    Salut,

    J’ai tout lu….rapid’ment mais tout….

    Cela me rappelle une rando à vélo dans « Le Pen Ar Bed »….

    A l’occasion, on en discute

    A bientôt !
    Eric

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